À quel moment de sa vie donne-t-on le meilleur de soi ? Pour répondre à cette énigme existentielle, le multi-instrumentiste Grégoire Gerstmans délivre "Hypnagogie", un ouvrage néo-classique façonné à la jonction d'une personnalité plurielle. Vidéaste, peintre, compositeur, photographe et producteur, l'artiste belge concentre désormais toutes ses facultés sur les touches millésimées d'un piano restauré avec passion.
Batteur de formation, Grégoire Gerstmans troque son premier instrument contre une guitare électrique avec un objectif : traverser les États-Unis pour y côtoyer les plus vieux bluesmen du pays. Du Kansas aux ultimes recoins du Missouri, le musicien assimile les codes d'un genre dépourvu de futilités, un style rompu à la spontanéité. Après de multiples périples, Grégoire Gerstmans décide d’escalader les branches de son arbre généalogique. Entre les feuillages, il entrevoit son héritage familial : la création d'une académie de musique, un orchestre symphonique, des disques mythiques, enregistrés aux côtés d'Alain Bashung, d'Einstürzende Neubauten, de Dominique A ou William Sheller.
Et puis, il y a le piano : cet objet intimement lié à l'enfance, à la pureté des notes et des sentiments. Cet instrument est aujourd'hui le cœur battant d’un premier album imaginé à l'instinct, dans l’instant, à la lisière du rêve et d'une conscience aiguisée du monde.
Échafaudées sous les voûtes d'un grenier, enregistrées en une seule prise, et sans la moindre retouche, les compositions instrumentales de Gerstmans se jouent dans l'épure et la langueur.
Au plus près de la vérité, ce premier album laisse tout entendre : le craquement du plancher, la profondeur des cordes frappées, le chant lointain des oiseaux, la proximité des émotions. Exploration de l'espace et du temps qui s'égrène, "Hypnagogie" est une apologie de la délicatesse, une ode à l'apaisement, esquissée dans le prolongement des travaux d'Arvo Pärt, de Joep Beving et Nils Frahm. Inspiré par les monochromes d'Yves Klein et l'expressionnisme dépeint par Jackson Pollock, ce disque offre une importance vitale à l'infime mais, surtout, une place prépondérante à l'intime.
Les neufs titres gravés sur le premier album de Grégoire Gerstmans s'accompagnent de clichés, capturés par l'artiste dans son propre laboratoire photographique. Lié par le sens, l'esprit et les sons, l'ouvrage du pianiste belge tient assurément du coup d'éclat. C'est le fragment d'un accomplissement personnel qui, en quelques notes, exprime la fragilité de l'instant présent. À vivre intensément.