Anthony Joseph
L’origine africaine des OVNI
George Clinton lui-même n’aurait pas désavoué ce concept afro-futuriste dont Anthony Joseph avait fait le sujet de The African Origins Of UFO’s, sa nouvelle écrite il y a bientôt vingt ans.
Durant ce laps de temps, les albums du chanteur-poète originaire de Trinidad se sont succédé, mais l’idée, elle, ne s’est jamais évaporée. Après un long travail de réflexion et de recherche artistique mené avec le musicien-producteur Dave Okumu, ce concept est même devenu l’axe central de son nouvel album.
Base des premiers titres élaborés en duo, la nouvelle est ensuite devenue la rampe de lancement de Rowing Up River To Get Our Names Back — une aventure si dense qu’il a fallu la scinder en deux parties.
Après avoir solidement assuré la connexion musicale de toute la diaspora caribéenne sur ses précédents albums, Anthony Joseph s’engage cette fois dans une fresque aussi ambitieuse que fascinante : l’exploration des multiples strates qui composent la longue et tumultueuse histoire de la musique noire. Des couches créatives qui se superposent et s’enrichissent, chaque génération se nourrissant de la précédente pour, sans le savoir, préparer l’émergence de la suivante.
Cet immense puzzle, relié par une forte conscience politique, a noirci les portées de ses notes les plus intenses. Sculptées dans la cire d’œuvres si impérissables qu’aucune tentative d’altération, malgré les décennies, n’a pu en effacer la force. Forme, fond, portée révolutionnaire : tout est resté intact. Y compris l’esprit de ces musiciens qui ne s’exprimaient qu’à travers la voix de leur instrument, la puissance de leur groove et la radicalité de leur démarche artistique.
Funk, P-Funk, soul, dub, free-jazz, jazz, afrobeat, blues… En confrontant leurs deux visions musicales pour n’en former qu’une, Anthony Joseph et Dave Okumu ont façonné un afro-futurisme à l’esthétique mouvante et sans limite d’expansion.
Stabilisée par la volonté de raviver toutes les racines, cette exploration se double d’une quête des patronymes perdus : ceux qui, entre le voyage depuis l’Afrique vers l’Amérique, se sont dissous dans les flots de l’Atlantique et le claquement des fouets. Ceux dont ont été dépossédés les déracinés de force, contraints d’endosser le nom du maître.
Les peaux et le bois des batteries de Dan See, Tom Skinner et Richard Spaven, les métaux des saxophones, tubas et trompettes de Colin Webster, James Wade Sired et Byron Wallen — tout ce qui compose l’arche organique dans laquelle embarquent les héros de la musique noire — révèlent, au moment du décollage, un tableau de bord à l’électronique sophistiqué. Dave Okumu y a installé ses programmations, tandis que Nick Ramm et Aviram Barath y ajoutent synthétiseurs et pianos électriques.
Renforcer, voire supplanter certaines fonctions peut s’avérer utile tant la destination est lointaine. Elle se situe à des années-lumière d’ici. La rejoindre impose de connecter le présent au passé pour mieux l’emmener dans le futur — dans l’afro futur.
Là où, après avoir remonté la rivière, tous auront enfin récupéré leurs noms et se seront réapproprié un pan de leur histoire.